L'approbation des comptes sociaux : une obligation formelle à forts enjeux juridiques et fiscaux

 
 

 

Une obligation légale, un levier de sécurisation et d’optimisation

 
 

L’approbation des comptes annuels est une obligation légale pour les sociétés commerciales (article L. 232-1 et s. du Code de commerce) et patrimoniales. Trop souvent perçue comme une formalité administrative, cette étape revêt en réalité une importance juridique et fiscale majeure pour les sociétés, y compris celles soumises à l’impôt sur le revenu ou en situation de démembrement.

 

L’approbation des comptes constitue une occasion de faire un audit global du dossier : cohérence du régime fiscal, pertinence de la rémunération des dirigeants, régularité des conventions intra-groupe, conformité avec les engagements fiscaux type Dutreil ou obligations de remploi en cas d’apport-cession. Cet examen est d’autant plus important que certaines configurations juridiques et fiscales sont potentiellement risquées et doivent être suivies de près.

 

 

Un formalisme encadré : délais, documents et décisions

 
 

Les comptes doivent être approuvés dans un délai de six mois suivant la clôture de l’exercice, à l’occasion d’une assemblée générale ordinaire (ou d’une consultation écrite selon les statuts et les formes sociales).

 

Sont notamment à l’ordre du jour :

  • l’approbation des comptes annuels ;

  • l’affectation du résultat (distribution, report à nouveau, réserves) ;

  • le quitus aux dirigeants ;

  • le vote sur les conventions réglementées ;

  • le cas échéant, la désignation ou le renouvellement des dirigeants.

Un manquement aux règles de convocation, de quorum ou de publicité peut entraîner des sanctions civiles et fiscales.

 

 

Faut-il nommer un commissaire aux comptes ?

 
 

L’approbation des comptes est également l’occasion de vérifier si la société franchit les seuils de nomination obligatoire d’un commissaire aux comptes (CAC) (article L. 225-218 du Code de commerce pour les SA/SAS, L. 823-12-1 pour les SARL), ou si une nomination volontaire ou par décision de justice est opportune compte tenu de certaines circonstances (associé minoritaire, situation de contrôle, obligation légale récente comme par exemple pour les centres de santé et les centres dentaires…).

Cette question est déterminante car l'absence de désignation d’un CAC lorsqu’elle est requise peut entacher de nullité certaines décisions et ouvrir la voie à des contentieux ou remises en cause fiscales.

 

 

Trois cas sensibles : SAS à l’IR, SCI démembrées, et holdings à obligation de remploi

 
 
 

Certaines structures requièrent une attention renforcée lors de l’approbation des comptes :

  • Les SAS à l’IR (notamment les holdings) : l’affectation du résultat y est essentielle. Elle conditionne la taxation directe entre les mains des associés sous le régime des BIC/BNC. Une répartition incohérente ou une affectation fictive peut conduire à des redressements importants ;

  • Les SCI en démembrement de propriété : l’affectation du résultat doit respecter la clé de répartition entre usufruitier et nu-propriétaire. Un manquement ou une ambiguïté peut entraîner la requalification d’une libéralité indirecte, voire un abus de droit ;

  • Les holdings ayant réalisé des apports avec report d’imposition (articles 150-0 B ter ou 151 octies du CGI) : l’approbation des comptes permet de suivre le calendrier et la nature des remploi des produits de cession. À défaut, le report peut être remis en cause, avec imposition immédiate de la plus-value ;

  • Les holdings animatrice sous pacte Dutreil : l’approbation des comptes est l’occasion de vérifier que la holding animatrice l’est effectivement, ce qui doit notamment ressortir des rapports de gestion ;


 

Conventions réglementées et rémunérations : des risques de nullité et de requalification

 
 

L’assemblée annuelle est aussi le moment de statuer sur les conventions réglementées, conclues entre la société et l’un de ses dirigeants ou associés. La sanction de l’absence d’approbation des conventions réglementées varie en fonction de la forme sociale et des dispositions statutaires ou extra-statutaires applicables et peut aller de la nullité des conventions à leur maintien, à charge pour les dirigeants d’en supporter les conséquences dommageables éventuelles.  Par ailleurs l’absence d’approbation est également un facteur de remise en cause par l’administration fiscale, notamment sous l’angle de la fictivité.

Les rémunérations versées aux dirigeants doivent également être validées et justifiées dans le cadre des assemblées générales ordinaires annuelles. Leur caractère excessif, irrégulier, ou leur absence de décision formelle peut conduire à une requalification en acte anormal de gestion, avec des conséquences fiscales potentiellement lourdes.

 
 

 

Le rapport de gestion : un outil de transparence, mais aussi un enjeu fiscal

 
 
 

Le rapport de gestion n’est pas qu’un document de gouvernance. Il constitue un élément de preuve essentiel en cas de contrôle fiscal, en particulier :

  • pour les sociétés sous engagement Dutreil, dans lesquelles il permet de démontrer l’existence d’une activité économique ou d’une fonction d’animation ;

  • pour les sociétés de gestion patrimoniale, où il sert à justifier l’absence d’activité professionnelle ;

  • pour les holdings soumises à obligation de remploi, afin de tracer les investissements réalisés dans le respect du report d’imposition.

 

 

Approbation des comptes annuels : plus qu’une obligation, une opportunité

 
 

L’approbation des comptes annuels ne saurait être réduite à une formalité administrative. Elle constitue un acte de gestion structurant, au cœur de la régularité juridique et fiscale de l’entreprise. De la tenue de l’assemblée générale ordinaire à l’affectation du résultat, en passant par la validation des rémunérations et des conventions réglementées, chaque décision prise lors de cette étape peut avoir des conséquences fiscales significatives, voire ouvrir la voie à un contentieux en cas d’irrégularité.

Le respect des obligations comptables et le formalisme qui entoure l’approbation des comptes sont d’autant plus essentiels dans des structures complexes : sociétés patrimoniales, holdings animatrices sous pacte Dutreil, SCI en démembrement ou encore SAS à l’IR. Le rapport de gestion, souvent négligé, est également un outil-clé de sécurisation en cas de contrôle fiscal.

 

Le cabinet Rozant & Cohen accompagne ses clients à chaque étape de cette procédure stratégique, en assurant :

  • la régularité juridique des assemblées générales ordinaires ;

  • l’anticipation des risques fiscaux liés à l’affectation du résultat ou à la rémunération des dirigeants ;

  • la rédaction de rapports de gestion adaptés aux enjeux spécifiques (Dutreil, apport-cession, démembrement) ;

  • la vérification de l’opportunité ou de l’obligation de nommer un commissaire aux comptes.

 

Article écrit par Clément Rozant.


 

À PROPOS DES AUTEURS

 

CLÉMENT

Rozant

ASSOCIÉ FONDATEUR
AVOCAT À LA COUR

Clément a commencé sa carrière en janvier 2010 au sein du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre avant de fonder le cabinet Rozant & Cohen en novembre 2015.

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JOY

Fant

AVOCAT ASSOCIÉE

Joy Fant a débuté sa carrière en 2010 au sein de plusieurs cabinets spécialisés en droit des affaires avant de rejoindre le cabinet RC en tant qu'associée en janvier 2025.

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